Gaitzsch, Wolfgang : Eisenfunde aus Pergamon. Geräte, Werkzeuge und Waffen.
(Walter de Gruyter, Berlin 2005)
Compte rendu par Michel Feugère, Instrumentum, 2006-24, p. 3
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Wolfgang Gaitzsch mit Beitr. von G. Gassmann und A. Hauptmann : Eisenfunde aus Pergamon. D.A.I. (Pergamenische Forsch., 14), Walter de Gruyter, Berlin – NewYork 2005, 225 p., 29 fig., 77 pl. h.-t., 98 €


Les fouilles allemandes sur le site de Pergame remontent à 1878 et W. Gaitzsch a commencé à travailler sur les mobiliers en fer du site en 1983 ; ces deux dates suffisent à suggérer le volume du matériel en question et son importance pour l’archéologie antique et byzantine en Turquie. Cette publication est d’autant plus significative, dans ce contexte, que les études de mobiliers métalliques restent rares en Asie mineure, à l’exception notable de Sardis (1), et bientôt sans doute de Zeugma. L’autre intérêt de ce volume réside dans l’ampleur de son champ chronologique, puisqu’il regroupe des objets provenant de contextes hellénistiques, romains, byzantins et même ottomans. Trente objets en fer de Priène, datant de la fin du IIe s. av. notre ère, sont également publiés ici.

 

L’ouvrage commence par la présentation de 46 ensembles (“Fundkomplexe”, p. 6-15 et 16-23), regroupant de quelques pièces à une cinquantaine d’objets ; il s’agit de lots pouvant correspondre à des dépôts volontaires, mais aussi à des assemblages fortuits d’objets en fer dans un contexte clos, par exemple le comblement d’une citerne. La plupart de ces lots ont été constitués à l’époque byzantine, mais on y rencontre aussi occasionnellement des objets plus anciens, dont la présence n’est pas expliquée.

 

Le corps du livre consiste en un catalogue de 762 objets (p. 163-220), associé aux 77 planches de dessins, et précédé de l’étude proprement dite (p. 24-160) discutant les aspects typologiques, chronologiques et fonctionnels de chaque catégorie. Signalons le principe de numérotation ouverte adopté pour la numérotation des objets ; par exemple les haches (“Äxte”), A 1 à A 9 ; les pinces (“Zangen”), ZA 1 à ZA 4.Ce parti pris permet de regrouper, dans le catalogue, les notices des objets appartenant à une même catégorie ; sur les planches, en revanche, les illustrations se succèdent indépendamment des catégories fonctionnelles naturellement regroupées dans le texte.

 

Comme toujours quand on parle d’outils, la caractérisation morphologique des objets est moins problématique que leur attribution fonctionnelle. Entre le travail du bois et celui de la pierre, par exemple, pour la “hache” A 1, je pencherais personnellement pour la deuxième hypothèse ; la forme parfaitement losangique de cet outil, vu de dessus, correspond bien aux exigences des tailleurs de pierre pour un marteau taillant.

 

La fonction des objets, notamment des outils, apporte des informations intéressantes sur la nature de l’habitat aux différentes périodes. Les outils artisanaux, mais aussi agricoles, atteignent 16 % du total des objets.

Tout comme ceux en relation avec l’élevage, les témoins liés au travail du sol sont surtout d’époque tardo-byzantine ; le concept de ville, apparemment, a bien évolué depuis la polis hellénistique. Les données stratigraphiques sont cependant trop rares pour que l’auteur ait pu ventiler la totalité du catalogue en fonction des phases chronologiques et des catégories fonctionnelles.

 

Du point de vue typo-chronologique, les trouvailles effectuées sur un site occupé de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge ne sont guère susceptibles d’apporter des datations hautes. Les briquets en fer à extrémités repliées en volutes, par exemple, qui apparaissent en Europe occidentale au VIe s. de notre ère, appartiennent tous ici à la fin de l’époque byzantine (pl. 14). On peut faire la même observation pour les peignes à laine, à dents montées sur un manche en bois, qui sont attestés en Occident à partir de l’époque wisigothique (2), et semblent inconnus à Pergame avant la fin du Moyen Âge. Peut-être aurait-il été souhaitable, dans certains cas, de relever les discordances entre les datations disponibles à l’Ouest et à l’Est de la Méditerranée … Mais l’histoire des techniques, et plus encore celle de l’outillage, souffre encore de lacunes qui rendent délicate toute généralisation, même prudente.

 

Dans l’ensemble du mobilier en fer publié ici, 7 % des objets sont grecs (pour la plupart hellénistiques), 14 % se placent entre le tardo-hellénistique et le tardo-antique, 73 % sont d’époque byzantine (2 % datant

du byzantin précoce, 66 % du byzantin tardif) ; les périodes ottomane et turque concernent 6 % du catalogue. C’est donc, pour l’essentiel, un mobilier tardif qui est bien documenté sur le site. Au-delà de son intérêt archéologique, c’est aussi pour l’origine des formes régionales, souvent encore attestées de nos jours dans les domaines de la quincaillerie et de l’outillage, que ce volume apporte de précieuses informations. Avec lui, W. Gaitzsch pose une pierre fondatrice de l’étude des mobiliers archéologiques ferreux enAsie mineure ; reste à construire l’édifice.

 

Notes ;

(1) Waldbaum (J.C.), Metalwork from Sardis. The finds through 1974. Cambridge/Mass. London 1983.

(2) Dès le VIIe s., en Espagne ; cf. Marichal (R.), Outillage antique de Ruscino (Château-Roussillon, Pyrénées-Orientales, F). In : Feugère (M.), Gustin (M.) eds., Iron, Blacksmiths and Tools. Ancient European Crafts.Acts of the Instrumentum Conference at Podsreda (Slovenia) in April 1999,Montagnac 2000, 166 (Monogr. Instrumentum 12).